Richard 25/07/2011

Interview réalisée par Alice Wyllie publiée dans le quotidien The Scotsman le 25 juillet 2011.

Acteur sexy avec une armée de fans, Richard Armitage est passé d’un petit cirque de Budapest au succès hollywoodien. Mais a-t-il trouvé le succès et la fortune en passant du côté obscur ?

"Nous aimons tous un peu le méchant, n’est-ce pas ? " dit Richard Armitage avec un petit rire diabolique familier, essayant de comprendre pourquoi le public aime soutenir les méchants et, en effet, pourquoi l’acteur de 39 ans est si souvent choisi pour ce type de rôle.

De l’Agent du MI5 Lucas North dans MI-5 à Guy de Gisborne dans l’adaptation de Robin des Bois de la BBC, ses rôles ont toujours été nettement sombres, un thème qui a été renforcé par ses dernières incursions au cinéma, avec des rôles comme le méchant Heinz Kruger dans Captain America : The First Avenger et le plus que trouble roi des Nains, Thorin Oakenshield, dans les adaptations cinématographiques du Hobbit de Peter Jackson, toujours en cours de tournage.

"Parfois vous savez que votre méchant fait des choses vraiment terribles mais vous voulez le voir réussir parce qu’il le fait tellement bien," dit-il.

"Vous voulez le voir recevoir ce qu’il mérite mais vous voulez également le voir réussir. C’est un vrai paradoxe. Peut-être que nous les aimons parce que nous ne sommes pas autorisés à être méchant dans la vie réelle."

Dans "la vraie vie", Richard Armitage fait partie des gentils. Au dernier étage du Soho House à Londres le jour le plus chaud de l’année jusqu’à aujourd’hui, en pause du tournage du Hobbit en Nouvelle-Zélande, il parait vraiment décontracté en jeans avec de larges lunettes de soleil et une barbe plutôt hobbitesque.

Il trouve son temps libre agréable, si ce n’est un peu déroutant. "C’est une période étrange," dit-il. "Pas assez longue pour accepter un autre rôle mais assez longue pour avoir une sorte de coupure. Je suis à fond dans le deuxième film et ce qu'il y a de bien c’est qu'on a le temps de prendre du recul."

"Je suis plutôt indulgent avec moi-même en ce moment, je fais beaucoup de recherches, je trouve des trucs qui ne sont pas forcément utiles, mais c’est un luxe. Cette question que les gens posent aux acteurs – ‘Vous reposez-vous ?’ – est tellement étrange. Je ne pense pas que les acteurs peuvent vraiment se reposer."

Malgré tout, il semble plutôt bien reposé aujourd’hui. Le soleil brille, ses joues ont quelques couleurs, il a mis à profit son temps libre pour aller plus souvent à la gym et semble plutôt en forme.

L’apparence de Richard Armitage est intéressante. D’un côté, il est un beau premier rôle. Grand, brun et, disons-le, beau, son apparence l’a aidé à décrocher des rôles dont le sombre John Thornton dans le drame en costume de la BBC North and South (personne depuis Colin Firth sortant trempé d’un lac n’avait été élevé au rang de premier rôle sexy par les fans de drame en costumes aussi passionnément) et il possède un groupe de fans de la gente féminine sur le net, connu sous le nom d’Armitage Army.

Mais il y a quelque chose à propos de la disposition de ses traits – le nez long et droit, les pommettes saillantes, les lèvres fines, les yeux bleus pales et la peau claire – ce sont ceux d’un méchant.

La directrice du casting de Captain America a eu seulement besoin de voir sa tête sur une affiche pour la série de Sky1 Strike Back pour savoir qu’elle voulait lui offrir le rôle de l’agent nazi Heinz Kruger.

Ses personnages ont toujours semblé être occupés à infliger des violences, être torturés ou en train de mourir ("quelqu'un m’a dit l’autre jour que je devrais vraiment arrêter de mourir à l’écran," dit-il en riant). En tant qu’acteur toujours prêt à s’immerger dans ces personnages, accepter à de nombreuses reprises des rôles si sombres a sûrement dû être éprouvant.

"Je ne me suis pas fait tant d’amis que ça sur Robin des Bois," dit-il. "Je suis convaincu que c’est parce que je me promenais tout le temps avec une tête de trois pieds de long, parce que j’étais ce personnage. Il était une personne tellement soucieuse et j’avais l’impression d’avoir ce nuage noir autour de ma tête durant tout ce temps. "

"Avec mon personnage du Hobbit, il y a cette explosion de sentiments et cette colère refoulée, j’essaie de trouver si j’ai cela en moi ou si je dois l’imaginer. Je crois qu’il y a un endroit dangereux, ma propre part d’ombre, auquel je n’ai pas accès dans ma vie mais où j’ai la capacité d’aller ‘juste pour ce rôle, j’ouvre juste cette porte et je jette un coup d’œil'."

Cependant, en habitant totalement son personnage durant le tournage, Armitage ouvre complètement cette porte. Il admet rêver dans la peau de son personnage. Il est actuellement, raconte-t-il, en train de rêver en tant que Thorin Oakenshield, mais cela lui est arrivé plus intensément quand il tournait une séquence d’évasion de prison pour Strike Back et s’est trouvé à rêver chaque nuit qu'il s’échappait à travers des tunnels souterrains.

Enfant musicien qui aimait lire, il a montré de la créativité très jeune. Élevé à Coventry, il persuade ses parents de l’envoyer dans une école de théâtre à l’âge de 14 ans, se concentrant sur les comédies musicales. Il ne vient pas d’une famille d’acteurs, sa mère ne l’a pas poussé à monter sur scène, mais ses parents l’ont encouragé.

Après avoir obtenu son diplôme, il a rejoint un cirque à Budapest (oui c’est vrai) pour obtenir son Equity card [carte d’acteur professionnel], avant d’étudier à la London Academy of Music and Dramatic Art, se concentrant sur le jeu d’acteur.

Il est, comme à son habitude, positif sur son temps passé sous le grand chapiteau. "J’ai fait partie d’une troupe de mimes, je lançais des bâtons aux acrobates, tenait les échelles des jongleurs," raconte-t-il. "Et je faisais quelques acrobaties, un peu le clown, mais vous savez, tout cela a été inestimable. "

"L’endurance ! Faire le clown est toujours utile pour cette capacité à penser spontanément. Oh, et jouer dans des endroits vides avec trois personnes dans le fond de la salle, c’est utile. "

"Mais plus que tout, travailler en tant que membre d’une troupe. Parce que quand vous êtes responsable d’une échelle en haut de laquelle se trouve quelqu'un, vous ne pouvez pas vous laisser distraire et partir parce qu'il n’y a pas de filet de sûreté."

Il a emmené cette leçon avec lui sur chaque plateau sur lequel il a travaillé. Il a une expression d’incrédulité quand il se rappelle que certains acteurs attendent dans leur loge et envoient des doublures pour les tests de lumières.

Il insiste plutôt sur le fait d’embrasser les éléments plus prosaïques, pratiques du métier, et répète à plusieurs reprises que créer un drame est un effort d’équipe, louant avec enthousiasme les équipes de sons et de lumières rarement créditées, de même que les nombreux autres membres de l’équipe d’un film qui aident à créer la magie.

En ce qui concerne les autres acteurs, il préfère l'approche 'aucun acteur ne doit jouer comme s'il était sur une île déserte' suggérant que souvent, les acteurs fournissent de meilleures performances en réponse au jeu des autres.

"Il y a une sorte d’interprétation où vous produisez le travail vous-même ce qui est bien et c’est génial," dit-il. "Mais je crois dans le genre de jeu où vous faites jouer quelqu'un d’autre. Il y a une scène brillante dans Rabbit Hole avec Nicole Kidman et un acteur complètement inconnu, juste assis sur un banc, et il la fait jouer encore mieux que tout ce que j’ai vu de son jeu auparavant."

"Je pense que je peux faire jouer mieux un autre acteur, et j’espère que quelqu'un d’autre peut me faire faire quelque chose que je n’ai jamais fait auparavant."

Quand on en vient à ses propres performances, il aime repousser les limites de sa zone de confort – puis les pousser encore un peu plus loin – et il déteste se reposer sur ses lauriers. En fait, il était plutôt ravi quand il a réalisé que Peter Jackson n’était pas très familier de son travail, et l’a engagé dans Le Hobbit sur sa seule audition.

"Plus je discute avec lui, plus je réalise qu'il n’est pas aussi familier de mon travail que je le pensais," dit-il.

"Cela me fait plaisir. Parfois quand vous êtes engagé à cause de ce que vous avez fait avant, vous êtes engagé pour faire la même chose. Le Hobbit est pour moi une occasion de sortir des cases."

Le Hobbit - avec Captain America – signifie également s’avancer plus loin sous le feu des projecteurs. Ce n’était pas une décision réfléchie.

La célébrité, la reconnaissance, et travailler à Los Angeles n’ont jamais été des buts poursuivis par Armitage. En réalité, il était arrivé à un point dans sa carrière où il était à l’aise avec un flot constant de rôles qui lui étaient offerts à la télévision. Il était satisfait.

Puis Hollywood est venu frapper à sa porte. La nouvelle sera, je suggère, sûrement bien accueillie par l’Armitage Army.

Il a l’air un peu timide. Il avait l’habitude de lire leurs commentaires sur le net mais il ne le fait plus aujourd’hui, s’inquiétant du fait qu'il pourrait être trop influencé, essayant de leur plaire en choisissant ses rôles. Cependant, il semble flatté, si ce n’est amusé, par leurs attentions.

Quand on le pousse sur le sujet, il est philosophe sur les possibles raisons pour lesquelles elles sont attirées par lui, mais il est trop modeste pour considérer, du moins à voix haute, que son apparence sexy pourrait avoir quelque chose à voir avec ça.

"North and South était ce genre de drame romantique en costume où l’amour naît parmi tant de restrictions sociales," dit-il doucement.

"C’est ce que vous ne voyez pas, ce que vous ne dites pas rend cela incroyablement électrique. Je pense que cela vient peut-être de là; beaucoup de personnages que j’ai interprétés possédaient des éléments de cette idée de l’amour ou de la romance que le personnage n’est pas autorisé à exprimer."

Ça, et le fait que nous aimons tous un mauvais garçon.

Et Armitage également, dont les mauvais garçons ont toujours, à sa propre insistance, quelques rayons de lumière parmi l’obscurité.

"J’aime interpréter les méchants, probablement plus que le futur-héros-aux-cheveux-tombants," dit-il en rigolant. "Et je ne suis pas désespéré de ne pas jouer le gentil garçon. Mon ‘truc’ que j’ai toujours aimé faire est, quand vous êtes engagé pour jouer le héros vous cherchez tous les défauts, pour le côté obscur du héros. Et avec le méchant, vous cherchez les bons côtés du mauvais garçon."

En d’autres termes, ses personnages tendent à être plus complexes qu’au premier abord. Il a cherché un côté plus léger d’Heinz Kruger et il se réjouit de s’investir dans le personnage complexe d’Oakenshield, un rôle pour lequel il a fait énormément de recherches.

"Mon intérêt pour le jeu d’acteur vient de la lecture et des livres, et mes rôles les plus satisfaisants ont toujours été ceux qui venaient de romans," dit-il.

"Certaines personnes aiment travailler à partir d’une page totalement blanche et ainsi créer quelque chose. C’est aussi excitant mais je suis moins confiant que si on me donne un bon point de départ. J’aime travailler sur un personnage qui vient d’un roman parce que, non seulement vous avez ce qui est dans le texte pour travailler mais vous pouvez également faire des recherches sur l’écrivain, et plus vous trouvez de choses sur cet auteur plus vous comprenez ce sur quoi vous travaillez."

Tous ceux familiers avec l’épique trilogie du Seigneur des Anneaux savent que Le Hobbit est une entreprise gigantesque. Divisé en deux films tournés à la suite, il domine l’emploi du temps d’Armitage pour les 18 prochains mois.

C’est une longue période pour s’immerger dans le personnage d’un nain en colère. Thorin Oakenshield pourrait être quelque chose comme un héros improbable, mais comme tous les personnages d’Armitage, il a sa part d’ombre en lui. N’en a-t-il pas un peu marre de tant de méchanceté ?

"J’ai cette théorie," dit-il. "Les acteurs qui interprètent un certain type de méchanceté trop bien, vous vous demandez 'humm, est-ce que vous avez cela en vous ?'
C’est pour ça que j’aime bien les grands traits dramatiques du Mal plutôt que tout ce qui est trop domestique parce que si c’est trop domestique vous pensez, 'En fait, est-ce que j’ai les qualités pour être comme ça dans la vie ?'"

Les a-t-il ? Il rit. "Et bien, vous commencer à vous dire 'une minute, pourquoi me font-ils venir pour ces rôles plus sombres ?' En réalité, je pense que je suis plutôt un gentil garçon, vraiment …"

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