Interview cast et producteur - Scotsman

Robin résolument moderne

 

Robin des Bois, la nouvelle grande série familiale du samedi soir de BBC1, a défrayé la chronique pour de mauvaises raisons en août dernier quand il a été révélé que les rushes de la série avaient été volés sur le tournage à Budapest. Quelqu'un a clairement pris trop au pied de la lettre le message 'voler aux riches'. Les bandes ont été retrouvées il y a quelques semaines, mais pas avant que le cast et l'équipe technique aient été forcés de tourner une nouvelle fois quelques-unes des scènes portées disparues.

Richard Armitage, qui joue le très attirant méchant Guy de Gisborne, révèle l'ironie de ce vol. « Au départ, les producteurs ont cherché partout en Europe le bon endroit pour filmer Robin des Bois. Ils ont envisagé la Roumanie mais ils l'ont rejetée parce qu'ils étaient inquiets que la mafia locale puisse voler les enregistrements. Ils ont donc choisi la Hongrie à la place, parce que c'était plus sûr. »

L'acteur ajoute que le délit a amené le groupe à se rapprocher. « Il a mis à l'épreuve notre détermination. Quand c'est arrivé, c'était comme un coup à l'estomac. Mais tout le monde s'est relevé et a dit : ' Nous n'allons pas laisser ceci nous ébranler. Allons les tourner une nouvelle fois.' En fin de compte, ça nous a soudé. »

Comme à l’accoutumée Keith Allen, qui s'en donne à cœur joie dans la série à jouer sans relâche le diabolique patron de Guy, le Shérif de Nottingham, prend l'ensemble de la situation avec humour noir.

« J'ai entendu dire que le week-end, des gens louches viennent et ils font des films porno sur le plateau de Robin des Bois. Il y a apparemment quelques scènes très sordides qui ont lieu au milieu de la cour du Shérif. Les bandes ont peut-être été volées par quelqu'un qui pensait qu'elles étaient porno. Ces gens-là ont dû être très déçus en découvrant que c'était juste une scène où je criais après Robin des Bois. »

Personne, cependant, ne sera déçu en regardant l'original. Foz Allan, le producteur exécutif de la série en 13 épisodes, à propos duquel BBC1 espère qu'il 'fera un Doctor Who' dans la case de 19h du samedi soir, souligne que c'est en grande partie une interprétation contemporaine de l'éternelle légende de Robin de Sherwood.

Pour commencer, des personnages 'd'antan' tels que Frère Tuck, ont été supprimés et les expressions comme 'Joyeux Compagnons' et 'Damoiselle' accolée à Marian ont été envoyées à la poubelle, marquées par 'les hommes du campement en collant'.

Après cinq années sanglantes à combattre, au cours de ce qu'il a fini par considérer comme un conflit peu judicieux en Terre Sainte, ce Robin (interprété par le relatif nouveau-venu Jonas Armstrong) revient en Angleterre, comme un vétéran désabusé et tourmenté.

Mais ce noble songeur est poussé à agir quand il voit la souffrance qui s'est emparée de son village natal, Locksley, du fait du Shérif de Nottingham et de son acolyte aussi malveillant que lui, Guy.

En proie à une vertueuse colère alors que les injustices s'accumulent sur le peuple, Robin renonce à son titre et s'associe à une équipe hétéroclite de hors-la-loi – parmi lesquels l'acteur écossais Gordon Kennedy dans le rôle de Petit Jean, Sam Troughton en tant que serviteur dévoué de Robin, Much, et Harry Lloyd dans le rôle de Will Scarlett – et il fait de la forêt de Sherwood sa demeure.

Aidé et encouragé par Marian (l’impertinente nouvelle venue de 19 ans Lucy Griffiths) – qui revêt un masque pour devenir le super-héroïnesque 'Veilleur de Nuit' - ils se donnent pour mission de déjouer les ignobles plans du Shérif.

Je suis sur le plateau de Robin des Bois dans les studios Fot dans la périphérie de Budapest. La série se tourne ici parce que la Hongrie possède encore des kilomètres et des kilomètres de forêts denses qu'il est maintenant presque impossible de trouver en Grande-Bretagne. Plus important encore, le faible coût de la main d’œuvre hongroise permet qu'il en coûte une fraction de ce que ça aurait été au Royaume-Uni pour construire cette somptueuse reconstitution de 30 acres de Notthingam en 1192 et de Locksley sur le terrain du studio. [NDT : 30 acres = 12 ha = 120000 m²]

Alors qu'il me montre les alentours de la reconstitution de l'Angleterre moyenâgeuse du 12ème siècle, Allan dit, « La BBC a insisté comme quoi ils voulaient que ce soit très contemporain. Sinon, quel serait l'intérêt de le faire une nouvelle fois ? Vous pourriez simplement rediffuser les anciennes versions. »

« Si vous regardez la version de 1939, Errol Flynn part à l'assaut du château et il botte les fesses de Basil Rathbone qui ressemble étrangement à un nazi.
[NdT : Basil Rathbone joue le rôle de Sir Guy de Gisborne – photo du duel final Robin / Guy issue de notre fiche Les Aventures de Robin des Bois]

Et la version de 1984 avec Michael Praed / Jason Connery était gorgée de musique de Clannad et de spiritualité.
[NdT : référence à Robin of Sherwood dont le groupe irlandais Clannad a composé la bande originale.

« C'était une adaptation New-Age, au beau milieu de matérialisme Thatcherien. Robin des Bois est toujours principalement axé sur l'époque à laquelle il est conçu. La chose géniale avec lui, c'est que c'est un mythe que vous pouvez modeler pour faire ce dont vous avez envie. »
[NdT : Thatcherien, adjectif dérivé du nom de Margaret Thatcher, première femme Premier Ministre du Royaume-Uni, en fonction de 1979 à 1990. ]

L'aspect le plus révélateur reflété par ce Robin des Bois de 2006 est le fait que, après avoir été traumatisé par ce dont il a été témoin dans une guerre inutile, notre héros a maintenant une aversion à tuer.

Armstrong pose son arc entre deux scènes et vient me parler. Vêtu d'une veste beige, d'un pantalon sale en daim marron et de bottes noires éraflées, il a vraiment le look du rôle.

« Robin est un tueur troublé. » estime l'acteur qui a décroché le rôle après des seconds rôles dans les séries de C4, Teachers et Ghost Squad. « Il revient des Croisades et il dit aux hors-la-loi, 'On ne tue pas – sinon, nous serons exactement comme le Shérif.' Robin a vu assez d'effusions de sang pour comprendre qu'il y a d'autres moyens pour résoudre les problèmes. »

L'autre élément notable à propos de ce Robin des Bois est qu'il est loin d'être parfait. La fougueuse Marian, pour sa part, est heureuse de prendre de haut sa suffisance occasionnelle. Quand, par exemple, il revient des Croisades et tente de la reconquérir par toutes sortes de plates éloquences romantiques, elle lui rit tout simplement au nez : « Cinq ans et c'est toujours exactement la même chanson. »

Armstrong pense que de telles faiblesses vont rendre son Robin plausible pour le public moderne. « Pourquoi continuons-nous à revenir à Robin des Bois ? Parce que c'est un super-héros crédible. Nous connaissons tous des super-héros comme Superman, Batman et Spiderman, mais Robin est beaucoup plus humain. Il n'est pas parfait. Comme tous les leaders, c'est un égoïste et il est souvent assez arrogant. Ce n'est pas un héros pur et dur – qui veut regarder quelqu'un dire tout le temps 'Ne suis-je pas génial ?' ? Vous avez besoin de noirceur sous-jacente. »

Le premier épisode comporte quelques scènes d'action assez chouettes - vous verrez un homme capable de sectionner le nœud coulant d'un pendu avec une flèche tirée de plusieurs centaines de mètres. Mais compte tenu du public familial de la série dans le créneau de 19h le samedi soir, les producteurs ont dû aborder le problème de la violence avec prudence.

Kennedy pense que la série traite cela avec sensibilité – sans rien perdre du réalisme auquel s'attendent les enfants de notre époque moderne. « Les enfants aiment l'excitation qu'elle procure. » déclare l'acteur qui est originaire d'au delà de la frontière et a précédemment joué dans Red Cap et Absolutely.

« J'ai des enfants et ils boivent la série comme du petit lait. Ils ressortent de là comme d'un buzz de Spiderman 2. C'est important de ne pas les surprotéger. Ils sont tout à fait capables de distinguer la fiction de la réalité. »

« Les choses ont évolué. Le cinéma a ouvert la voie. Des films comme Le Seigneur des Anneaux sont assez violents mais ils sont aussi très astucieux. Ils coupent exactement au bon moment. Vous devez incontestablement rendre ça passionnant. Le Shérif et Guy doivent représenter une réelle menace. Les enfants ne se laisseront pas duper s'il y a supercherie. »

Le Shérif présente sans conteste une vraie menace dans le premier épisode. Dans une scène susceptible de déclencher l'envoi dans toutes les forêts de missives courroucées, le Shérif, furieux que ses plans en vue de la domination du monde aient une fois de plus été déjoués par Robin, sort l'un de ses bien-aimés petits oiseaux exotiques de sa cage. En poussant un cri d'extase, il l'écrase lentement dans ses poings serrés.

Allan souligne que le Shérif ne doit pas être un méchant de carton pâte. C'est un personnage vif et dynamique. « Nous étions tout à fait conscient que les anciens méchants étaient souvent très bi-dimensionnels, ennuyeux et bien dans leurs peaux. »

« Et donc nous voulions que ce shérif soit dévoré par une féroce ambition. Nous lui avons donné quelque chose à viser – son désir de devenir Chancelier d'Angleterre après que Jean ait assassiné Richard Cœur de Lion à son retour de Terre Sainte. »

Le Shérif savoure indéniablement ses affrontements avec Robin. « Le Shérif ne cesse de railler Robin pour qu'il le tue, et jamais il ne le fait, c'est un coup dur pour lui. » observe Allen, qui s'est fait un nom dans des productions telles que The Comic Strip, Shallow Grave et plus récemment Bodies.

« Le Shérif admire Robin et il voit en lui un partenaire à sa taille. Sans Robin, l'endroit serait ennuyeux pour le Shérif. Tout ce qu'il aurait à faire serait de pendre inlassablement les paysans. »

Le Shérif fait rire la nation – et en tant que telle, c'est une composante essentielle de cette vibrante série. Les résonances modernes sont certainement réunies et convenables si c'est pour ça que vous regardez la série. Mais par dessus tout, ce Robin des Bois offre une bonne soirée rythmée, pleine d'adorables gentils et de méchants détestables.

« Si notre public est celui du très sérieux Ingmar Berman, ils vont s'ennuyer et éteindre le poste. » confirme Allan. « En tout premier lieu, ceci est censé être un sacrément bon divertissement. »

Interrogé sur la réaction qu'il espère susciter en tant qu'impitoyable homme de main du Shérif, Richard Armitage a adopté exactement l'esprit de cette production. « Des messages haineux, voilà ce que j'espère. » dit-il dans un grand éclat de rire qui résonne dans toute la version hongroise de la forêt de Sherwood. « Si je suis hué et sifflé dans la rue, alors je saurai que j'ai bien fait mon travail. »

 

Scotsman.com – Samedi 7 octobre 2006

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Crédit traduction : Locksley pour RobinDesBois-Hypnoweb